Mémoire au ministère du Développement du Nord concernant le projet de modernisation de la Loi sur les régies des services publics du Nord
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
Mars 2024
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Dernièrement, le ministère du Développement du Nord a sollicité des commentaires sur le projet de modification de la Loi sur les régies des services publics du Nord. Dans le présent mémoire, je traite deux questions concernant les régies locales des services publics établies par la Loi dans les territoires non érigés en municipalité, qui pourraient bénéficier de ce projet de modification législative. La population ontarienne ne dispose d’aucun mécanisme de surveillance indépendant pour le traitement des plaintes et des questions soulevées au sujet des services importants fournis par ces régies à l’échelle locale. Il n’existe pas non plus d’organe de surveillance indépendant pour veiller à ce que les régies locales des services publics se conforment à l’exigence de la Loi voulant que leurs réunions soient ouvertes au public.
L’Ombudsman a pour rôle de renforcer la gouvernance en favorisant la transparence, la responsabilisation, l’équité et le respect des droits au sein du gouvernement provincial et du secteur public de l’Ontario.
Mon Bureau a reçu des plaintes d’Ontarien(ne)s concernant les régies locales des services publics en lien avec les communications, la conduite des membres, les pratiques de perception fiscale, les processus de disposition de biens-fonds et les réunions à huis clos. Malheureusement, les régies locales des services publics ne relèvent pas de mon Bureau, qui n’a donc pas pu prêter assistance. Pour les plaintes au sujet de ces questions importantes, nous ne pouvons qu’en aiguiller les auteur(e)s vers le Ministère.
Le projet de modernisation de la Loi sur les régies des services publics du Nord procure au ministère du Développement du Nord une occasion de combler ces lacunes de régie en définissant les régies locales des services publics comme des « conseils locaux » aux fins de la Loi sur l’ombudsman, et en veillant à la mise en place d’un mécanisme pour que s’appliquent les règles des réunions publiques, soit directement dans la Loi sur les régies des services publics du Nord ou en érigeant les régies locales des services publics en conseils locaux aux termes de la Loi de 2001 sur les municipalités.
Mon Bureau a préparé les propositions suivantes afin d’offrir au Ministère une marche à suivre en vue de permettre à la population du Nord de l’Ontario d’accéder à des mécanismes uniformes de responsabilisation et de transparence pour leurs services locaux, équivalents à ceux dont profitent les Ontarien(ne)s vivant dans les municipalités.
Rôle et compétence de l’Ombudsman
En tant qu’Ombudsman de l’Ontario, je suis un officier indépendant et impartial de l’Assemblée législative de l’Ontario, nommé en application de la Loi sur l’ombudsman[1]. J’ai le pouvoir d’effectuer des examens et des enquêtes formelles à l’égard de la conduite administrative de plus de 1 000 organismes publics, dont les ministères provinciaux, les 444 municipalités et les 72 conseils scolaires.
Mon Bureau a été investi du pouvoir d’examiner les plaintes du secteur municipal et d’enquêter sur celles-ci en janvier 2008, quand il est devenu l’enquêteur sur les réunions à huis clos des municipalités n’ayant pas désigné le(la) leur. Actuellement, j’exerce cette fonction auprès de 268 municipalités. En tant que tel, mon Bureau contribue à garantir que les conseils municipaux, les conseils locaux et leurs comités tiennent des réunions ouvertes au public comme l’exige la loi. Au cours des 15 dernières années, nous avons examiné des centaines de réunions à huis clos et communiqué des pratiques exemplaires et des recommandations officielles à de nombreuses municipalités.
Pendant cette période, nous avons aussi aidé les municipalités de manière proactive en leur offrant des ressources et des conseils concernant les règles des réunions publiques énoncées dans la Loi de 2001 sur les municipalités[2]. Notre guide, intitulé Réunions publiques : Guide pour les municipalités, distribué à tou(te)s les greffier(ère)s municipaux(ales) et aux élu(e)s dans l’ensemble de la province, renferme des pratiques exemplaires, des résumés de cas et des interprétations des règles des réunions publiques. Ce guide est aussi disponible en ligne[3], et nous en distribuons régulièrement des exemplaires imprimés, notamment aux conseils locaux. De plus, mon Bureau tient à jour un recueil des cas en ligne (« Réunions publiques : recueil des cas » sur notre site Web), un recueil consultable par mots clés qui renferme les lettres et les rapports en lien avec nos enquêtes sur les réunions ouvertes au public[4]. Enfin, nous répondons régulièrement à des demandes de renseignements de membres du personnel et des conseils des municipalités, leur fournissant information et ressources sur les règles des réunions publiques.
Les pouvoirs de mon Bureau ont été de nouveau élargis en 2016 par l’ajout à son mandat général des municipalités, des conseils locaux et des sociétés contrôlées par une municipalité. Chaque année, nous aidons des milliers d’Ontarien(ne)s à résoudre leurs problèmes liés aux municipalités, et nous conseillons les fonctionnaires municipaux(ales), les informons sur les pratiques exemplaires et les sensibilisons afin d’améliorer l’accessibilité et la transparence de leurs processus.
Absence de surveillance indépendante à l’égard des régies locales des services publics
Les régies locales des services publics perçoivent les impôts et les taxes et offrent d’importants services publics aux Ontarien(ne)s vivant dans des régions sans organisation municipale. Elles peuvent fournir des services habituellement offerts par les municipalités, que ce soit les réseaux d’aqueduc, la protection-incendie ou les services d’ébouage, ou encore les infrastructures comme l'éclairage et les voies publiques, ainsi que les bibliothèques, les services de loisirs et les programmes de télécommunications en cas d’urgence.
Même si elles perçoivent les impôts et les taxes et fournissent les mêmes types de services que les administrations municipales dans les territoires érigés en municipalités, les régies locales des services publics ne sont pas soumises à la même surveillance que les municipalités – ou que les « conseils locaux » municipaux. La Loi sur les régies des services publics du Nord dispose expressément que les régies locales des services publics ne sont ni des municipalités, ni des conseils locaux « pour l’application d’une loi[5] ». Elles ne sont pas non plus des organisations gouvernementales au sens de la Loi sur l’ombudsman. Par conséquent, ces régies ne sont pas de mon ressort, et les Ontarien(ne)s ne peuvent donc pas déposer de plaintes à leur sujet auprès de mon Bureau.
Lorsque nous recevons des plaintes au sujet d’une régie locale des services publics, nous aiguillons leurs auteur(e)s vers la régie elle-même ou vers le Ministère. Le guide du Ministère des régies locales des services publics contient de l’information sur le traitement de ces plaintes par le Ministère. Il y est précisé que la surveillance exercée par le Ministère ne va pas au-delà du champ de ses compétences définies dans la Loi, et que les questions ayant trait aux affaires internes d’une régie locale des services publics doivent être réglées à l’échelon local[6]. Ces affaires internes ne font l’objet d’aucune surveillance officielle. Mon Bureau serait en mesure de combler cette lacune.
La dernière fois que la Loi sur les régies des services publics du Nord a été modernisée, soit en 1990, l’Ombudsman n’avait compétence que sur les organismes gouvernementaux. Depuis, reconnaissant l’utilité d’une surveillance indépendante et l’expertise de mon Bureau dans la résolution des plaintes concernant le secteur public, l’Assemblée législative a étendu mes pouvoirs aux instances locales de gouvernance. Depuis que les pouvoirs de mon Bureau couvrent les municipalités, nous travaillons régulièrement avec elles à la résolution de milliers de plaintes individuelles, et créons une valeur ajoutée en faisant connaître les pratiques exemplaires et les ressources en place.
Afin de garantir le même accès au mécanisme de surveillance indépendante des services publics locaux pour l’ensemble des Ontarien(ne)s quelle que soit leur adresse, il y aurait lieu d’inclure les régies locales des services publics dans la définition du terme « conseil local » aux fins de la Loi sur l’ombudsman.
Proposition 1
La Loi sur les régies des services publics du Nord et la Loi sur l’ombudsman devraient être modifiées de manière à inclure les régies locales des services publics dans la définition du terme « conseil local » aux fins de la Loi sur l’ombudsman.
Application des règles des réunions publiques
À l’heure actuelle, la Loi sur les régies des services publics du Nord exige que toutes les réunions des régies locales des services publics soient ouvertes au public, les réunions à huis clos leur étant interdites. Dans sa proposition de réglementation, le Ministère a fait observer qu’il envisageait de permettre aux régies de se réunir à huis clos pour discuter d’affaires privées ou confidentielles. Si la Loi est modifiée en ce sens, j’inviterais le Ministère à étendre aux régies locales des services publics l’application des règles des réunions publiques énoncées dans la Loi de 2001 sur les municipalités ou à incorporer ces règles dans la Loi sur les régies des services publics du Nord.
Aux termes de la Loi de 2001 sur les municipalités, toutes les réunions des conseils, des conseils locaux et de leurs comités doivent être ouvertes au public, sous réserve de certaines exceptions. Quiconque croit que les règles des réunions publiques ont été enfreintes peut porter plainte auprès de l’enquêteur(se) sur les réunions à huis clos de la municipalité en cause. S’il y a bel et bien eu infraction aux règles, l’enquêteur(se) peut aider à améliorer les pratiques locales et la transparence en formulant des recommandations.
Si les régies locales des services publics se voient autorisées à tenir des réunions à huis clos, les résident(e)s qu’elles servent devraient avoir droit au même degré de responsabilisation et de surveillance que celui observé par les municipalités. Le public devrait pouvoir adresser ses plaintes au sujet d’un manquement potentiel aux règles à mon Bureau ou à un(e) enquêteur(se) désigné(e) par les autorités locales.
Cela serait réalisable si l’on incorporait dans la Loi sur les régies des services publics du Nord les dispositions sur les réunions ouvertes au public énoncées dans la Loi de 2001 sur les municipalités, y compris les dispositions d’application de la Loi, et que l’on modifiait la Loi sur l’ombudsman en conséquence. De même, les régies locales des services publics pourraient être intégrées à la définition du terme « conseil local » aux fins des règles des réunions publiques dans la Loi de 2001 sur les municipalités.
Proposition 2
Les régies locales des services publics devraient être assujetties aux règles des réunions publiques énoncées dans la Loi de 2001 sur les municipalités, soit par l’incorporation de ces règles dans la Loi sur les régies des services publics du Nord, soit par l’inclusion des régies locales des services publics dans la définition du terme « conseil local » aux fins des règles des réunions publiques contenues dans la Loi de 2001 sur les municipalités.
Conclusion
Je salue les mesures prises par le Ministère du Développement du Nord en vue de réexaminer si le cadre actuel de la Loi sur les régies des services publics du Nord répond aux besoins des Ontarien(ne)s du Nord. Aux fins de cet examen, j’invite le Ministère à envisager de donner aux Ontarien(ne)s du Nord servi(e)s par régies locales des services publics le même accès au mécanisme de mon Bureau que ceux dont profitent déjà les résident(e)s des municipalités en matière de surveillance indépendante des instances de gouvernance locale.
Dans le même élan, j’encourage aussi le Ministère à incorporer dans la Loi sur les régies des services publics du Nord les règles des réunions publiques prévues par la Loi de 2001 sur les municipalités ou à étendre l’application de ces règles aux régies locales des services publics.
Mon personnel sera heureux de vous communiquer de plus amples renseignements et de répondre à vos questions sur mes propositions.
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Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
[1] L.R.O. 1990, chap. O.6.
[2] L.O. 2001, chap. 25.
[3] Ombudsman de l’Ontario, Réunions publiques – Guide pour les municipalités, 5e éd. (2023), en ligne.
[4] Ombudsman de l’Ontario, Réunions publiques – Recueil des cas, en ligne.
[5] L.R.O. 1990, chap. L.28, par. 6(2).
[6] Ministère du Développement du Nord de l’Ontario, Guide des régies locales des services publics à l’intention des habitants et des membres de régie (13 avril 2023), en ligne.